DIMANCHE EN POLITIQUE SUR FRANCE 3 N°98 : PHILIPPE MARTINEZ
Le 3 février 2019, Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, est l’invité de "Dimanche en politique", le magazine politique de France 3. Il est interrogé par Francis Letellier, avec à ses côtés Frédéric Says, éditorialiste à France Culture.
Au sommaire
- Les "gilets jaunes" ont-ils ringardisé les syndicats ?
- La grève est-elle encore un moyen d’action pour obtenir des avancées sociales ?
- Le débat national peut-il faire mieux que le dialogue social ?
- Alimentation, énergie, autoroute… Pourquoi les tarifs repartent-ils à la hausse ?
Des "gilets jaunes" ont été blessés lors de la douzième journée de mobilisation, samedi 2 février, comme Louis Boyard, président de l'UNL (Union nationale lycéenne). "On est inquiet du nombre de blessés qu'il y a dans les manifestations et on est inquiet depuis longtemps. Cela fait plusieurs années que nous interpelons les différents ministres de l'Intérieur. Il faut arrêter avec des armes contre les manifestants", explique Philippe Martinez.
Avec la Ligue des droits de l'homme, la CGT a saisi le Conseil d'Etat pour faire interdire les lanceurs de balles de défense (LBD). La demande a été rejetée. "Il y aura des suites parce que ce n'est pas possible que l'on tire comme ça sur les manifestants", assure-t-il.
"il faut arrêter avec les armes contre les manifestants"
Paris, 3 fév 2019 -AFP-
"Il faut arrêter avec les armes contre les manifestants": le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez s'est indigné dimanche des nouveaux blessés samedi lors des manifestations deux jours après la décision du Conseil d'État de maintenir l'usage des lanceurs de balles de défense (LBD).
"Il y a encore eu des blessés hier, je pense au secrétaire du syndicat lycéen UNL, Louis Boyard, qui a été blessé", a déclaré le responsable syndical sur le plateau de France 3, assurant être "inquiet depuis longtemps".
La CGT et la Ligue des droits de l'homme ont été déboutées vendredi en référé de leur demande d'interdiction des LBD parce que, selon le Conseil d'État, le risque de violence rend "nécessaire de permettre aux forces de l'ordre" de pouvoir y recourir.
"On nous dit: "ce n'est pas dangereux quand c'est bien utilisé" or, tous les samedis, il y a des blessés graves", a regretté M. Martinez, promettant la "poursuite" de l'action judiciaire "parce que ce n'est pas possible qu'on tire comme ça sur des manifestants avec les conséquences qu'il y a".
Estimant que Christophe Castaner est "le cinquième ministre de l'Intérieur" qu'il a "alerté sur les violences des policiers dans les manifestations", il a regretté que souvent les policiers soient "livrés à eux-mêmes".
M. Martinez a par ailleurs indiqué que lui-même, en tant que manifestant, ne se sentait pas en sécurité dans les défilés. "Le 1er mai, on a été enfermé sur le pont d'Austerlitz par un cordon de CRS devant, un cordon CRS derrière et impossible de sortir", a-t-il raconté.
Il a également critiqué le "droit divin" selon lui des préfets pour "interdire une manifestation". "Il y a des militant de la CGT qui se rendent en manif, qui sont interpellés, c'est pas nouveau, et qui sont placés en garde à vue plusieurs heures, donc ça s'adresse à tous ceux qui veulent manifester, que la manifestation soit déclarée ou pas", a-t-il expliqué.
La loi anti-casseurs "veut restreindre les libertés individuelles et collectives"
Selon Philippe Martinez, la loi "anti-casseurs" en discussion en ce moment "veut restreindre les libertés individuelles et collectives, arrêter des manifestants qui seraient cagoulés ou qui auraient le visage caché (...) C'est une loi qui vise à restreindre le droit de manifester".
Carlos Ghosn a dénoncé le comportement de la justice japonaise à son égard parce qu'il estime qu'elle s'acharne sur lui. "Il y a une présomption d'innocence, il y a besoin d'une enquête sérieuse, y compris en France sur quelques abus d'argent", rappelle-t-il. "Le bilan de Carlos Ghosn c'est 22 000 suppressions d'emplois dans notre pays, c'est 10 000 intérimaires précaires en permanence. Quand il est arrivé, 51% des voitures Renault vendues en Europe étaient fabriquées en France. Aujourd'hui, c'est 19%. Il participe au déclin industriel de la France", commente Philippe Martinez.
Arjowiggins "a touché de l'argent public", il faut "rendre des comptes"
En Seine-et-Marne, dans l'entreprise Arjowiggins qui en liquidation judiciaire, 240 salariés ont commencé à brûler les papiers de leur stock de production. Dans le Pas-de-Calais, "ils ont occupé l'entreprise pendant plus d'un an et viennent d'obtenir un repreneur. [Ici aussi] ce sont des familles entières qui sont dans la misère, que l'on retrouve sur les ronds-points. Il faut une réponse politique. [L'État pourrait] demander au propriétaire de l'entreprise de rendre des comptes par rapport à l'argent touché, parce que cette entreprise a touché de l'argent public, nos impôts. On touche de l'argent public, et quand on en a marre et qu'on veut aller faire des profits ailleurs, on licencie plusieurs centaines de salariés. Il faut leur demander de rembourser et de récupérer l'argent. Avec, on s'occupe de trouver un repreneur et de faire pérenniser l'entreprise", soutient le secrétaire général de la CGT.
La CGT organise son grand débat "sur le bitume" mardi 5 février 2019
Paris, 3 fév 2019 - AFP-
La CGT lance mardi une nouvelle mobilisation qui se veut une réponse au grand débat organisé par l'exécutif qu'elle boycotte, préférant réclamer "sur le bitume" hausse des salaires et justice fiscale, des revendications entendues aussi chez les "gilets jaunes".
Avec le débat national, "toutes les questions sont pipées et portent en germe la volonté de poursuivre une politique libérale", estime Catherine Perret, une des dirigeantes du syndicat. D'ailleurs, la CGT a annoncé qu'elle ne se rendrait pas à Matignon mercredi où le Premier ministre reçoit syndicats et patronat. "On lui a écrit, on lui a parlé, trois fois, quatre fois, à chaque fois, la réponse, c'est +on vous écoute+ et derrière on fait ce qu'on avait prévu de faire", a argumenté dimanche sur France 3 le secrétaire général de la confédération Philippe Martinez.
A la place, la CGT organise cette première journée de mobilisation de l'année, associée avec Solidaires, des organisations de Force ouvrière et avec le soutien du NPA, du PCF et de la France insoumise.
Des préavis de grèves ont été déposés notamment dans la fonction publique (DGCCRF), à la RATP ou à la SNCF, et des manifestations sont prévues un peu partout en France.
Sans citer l'appel de la CGT, Eric Drouet, l'une des figures du mouvement des "gilets jaunes" a appelé à une "grève générale" ce mardi.
Côté syndical, des contacts ont eu lieu en tout début d'année entre Philippe Martinez et ses homologues de la CFDT et de Force Ouvrière. Mais ils n'ont à nouveau pas réussi à s'entendre sur une mobilisation commune.
"On a discuté notamment sur ce qu'on pouvait faire sur les salaires dans les entreprises. A la fin, il y avait potentiellement une liste à la Prévert et forcément une grève, ce n'était pas notre objectif", a expliqué Laurent Berger (CFDT), qui préfère participer au grand débat proposé par l'exécutif.
- "Medef trop tranquille" -
Force ouvrière, qui a changé de leader en novembre après une crise interne, ne sera pas non plus de la partie.
"Si la CGT n'avait pas annoncé tout de suite le 5 sur un cahier de revendications fourre-tout, ça aurait été plus simple pour nous", s'est agacé cette semaine Christian Grolier, numéro un de la fédération FO fonction publique, qui parallèlement organise pendant toute la semaine des grèves et actions syndicales.
Outre cette journée, la CGT propose d'organiser toutes les semaines des "mardis d'urgence sociale", qui mettront en lumière des initiatives syndicales un peu partout en France. En outre, elle a mis en ligne des "cahiers d'expression revendicative".
Ces initiatives sont une sorte de réponse au mouvement des "gilets jaunes", sur lequel Philippe Martinez tient un discours ambigu. Des militants réclament une convergence qu'il refuse car le mouvement n'a pas de leader national.
"Les convergences, elles existent déjà, il y a une trentaine de départements où il y aura des défilés jaunes et rouges" mardi, a-t-il néanmoins assuré dimanche.
La CGT prévoit déjà une nouvelle journée nationale à la mi-mars. "Il faut travailler dans la continuité. Je pense aussi que, même si l'action des gilets jaunes sur les ronds-points est positive, le Medef est trop tranquille", a expliqué le secrétaire général. Il vient de confirmer son intention de se représenter à la tête de la CGT en mai.
Si lors des précédentes manifestations, la politique "libérale" d'Emmanuel Macron était la principale cible, cette fois, les critiques se focalisent sur le patronat.
"Dans un pays où les 40 plus grandes entreprises versent 57,4 milliards d'euros à leurs actionnaires, il ne faut pas uniquement frapper à la porte du gouvernement", a insisté M. Martinez dans Politis, réclamant la suppression des aides publiques aux entreprises (CICE, exonérations).
Lors de la précédente mobilisation, le 14 décembre, la CGT avait dénombré 15.000 manifestants à Paris, la préfecture de police en comptant 6.000. Aucun chiffre au niveau national n'a été communiqué.
Hasard de calendrier, mardi doit être votée la loi "anticasseurs", donnant la possibilité aux préfets de prononcer des interdictions de manifester, un dispositif vivement critiqué par les syndicats.
Martinez conteste la candidature unique de Laurent Berger au CES
PARIS, 3 février - Reuters -
Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a contesté dimanche la candidature unique de son homologue de la CFDT, Laurent Berger, à la présidence de la Confédération européenne des syndicats (CES).
"Je suis en train de discuter avec le secrétaire général de la CES. Ce qu'on nous avait dit ce n'était pas du tout ça, donc on va rediscuter", a dit Philippe Martinez sur France 3.
Il explique avoir été avisé d'une "autre forme de présidence (...) Pas lui tout seul en tout cas", laissant penser qu'il était question d'une présidence à plusieurs têtes.
"On va rediscuter parce que, quand on discute avec moi et qu'on me dit quelque chose, quand on a fermé la porte, on ne doit pas changer d'avis", ajoute-t-il.
La CFDT a confirmé que Laurent Berger serait candidat pour diriger la CES dont les élections sont prévues en mai. Il ne devrait pas quitter ses fonctions à la tête du syndicat réformiste.
L'organisation, créée en 1973 et qui compte aujourd'hui 90 confédérations syndicales nationales, est actuellement dirigée par le belge Rudy De Leeuw, président de la Fédération Générale du Travail de Belgique FGTB-ABVV.
Le sujet est sensible au sein de la CGT où une frange plus radicale de la base milite pour se désengager de la CES, jugée "réformiste" et "soumise au Grand capital européen et à la Commission européenne".
La CGT, en pleine préparation de son 52e Congrès qui doit renouveler le mandat du secrétaire général en mai, avait rejoint la confédération en 1999. (Caroline Pailliez, édité par Jean-Philippe Lelief)
La candidature de Berger à la tête du Syndicat européen agace la CGT et FO
Paris, 4 fév 2019 -AFP-
Yves Veyrier, le numéro un de Force ouvrière, a qualifié lundi de "vrai problème" la candidature de Laurent Berger, son homologue de la CFDT, à la présidence de la Confédération européenne des syndicats, qui a été également critiquée dimanche par la CGT.
"On a un vrai problème avec la procédure. Et (...) surtout, entre la CFDT et Force ouvrière, sur les questions européennes, il y a franchement des divergences d'analyses sur ce qu'est la construction européenne", a dit lundi Yves Veyrier sur BFM Business.
"Ca va générer des difficultés", a-t-il prévenu à propos de cette candidature, assurant l'avoir apprise par la presse. "On était un peu surpris", a insisté le leader, sans pour autant dire si sa confédération s'y opposerait.
Il a toutefois minimisé la place qu'occuperait Laurent Berger au sein de cette structure, soulignant qu'elle serait symbolique, car l'exécutif est aux mains du secrétaire général, l'Italien Luca Visentini.
Dimanche, sur France 3, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a également fait part de sa surprise et dit être en discussion actuellement avec M. Visentini à propos de cette candidature.
"Ce qu'on nous avait dit, c'est pas du tout ça, c'était une autre forme de la présidence de la CES" où Laurent Berger ne devait pas être "tout seul", a-t-il expliqué.
"On va en rediscuter", a déclaré le numéro un de la CGT. L'élection de Laurent Berger, seul candidat en lice, doit intervenir en mai, lors du congrès de cette organisation prévu à Vienne.
M. Berger ne va pas pour autant quitter la CFDT, son futur poste n'étant pas exécutif, a souligné la confédération.
Créée en 1973, la CES est présidée actuellement par le Belge Rudy de Leeuw, à la tête de la Fédération générale du travail de Belgique FGTB-ABVV. Elle compte 90 confédérations réparties dans 30 pays, dont en France la CFDT, la CGT, Force ouvrière, la CFTC et l'Unsa.
Laurent Berger, 50 ans, à la tête de la CFDT depuis 2012, premier syndicat français en termes de représentativité depuis décembre 2018, se revendique de la ligne dite "réformiste", adepte de la concertation avec le patronat et les pouvoirs publics.
A la fin du magazine, l'invité (e-s) politique expose son avis "Sur le vif " : Que pensez-vous de la cause de Greta Thunberg à Davos ?