29 avril 2008
PRIYADARSINI GOVIND
Priyadarsini Govind
Avec sa nouvelle pièce en solo, Priyadarsini Govind, toujours épaulée pour la conception par Élisabeth Petit, s’attache à la forme même du récital pour en reconfigurer les lignes de force. Elle suit la structure traditionnelle dans sa progression technique et dramatique, en introduisant deux séquences oubliées depuis quelques années par les interprètes. Ces deux pièces sont l’alarippu et le jatisvaram, morceaux que les jeunes interprètes apprennent toujours à l’école mais qui ont été délaissés en raison de la durée raccourcie des spectacles aujourd’hui.
Un coup de fouet à la virtuosité
Après donc le kautwam, invocation de Murga, fils de Shiva et Parvati, divinité très populaire dans le sud du continent indien, l’alarippu, qui signifie littéralement "bouton de fleur", ressemble de fait à une éclosion corporelle et esthétique. Jouant sur les yeux, le buste, les épaules, les bras, elle s’appuie sur un gros travail de dissociation des gestes tout en prenant possession du plateau. Les mouvements multidirectionnels, avec un accent sur les diagonales, se combinent avec des danses en pliés qui apprivoisent les trois niveaux de l’espace ainsi que les trois vitesses en vigueur dans le bhârata natyam. Le vocabulaire de base est présenté de façon précise pour aller en s’accélérant au fil du tableau. L’alarippu se veut un marchepied pour le jatisvaram, morceau de bravoure de danse pure, qui donne un coup de fouet à la virtuosité.
Toute la gamme de la colère
Ces deux séquences, d’une durée de dix à quinze minutes, ont été souvent retranchées des récitals pour ne pas épuiser la danseuse avant le moment-clef, celui du varnam, combinant danse pure (nritta) et narrative (abhinaya), pendant près de quarante-cinq minutes. Une fois de plus, Priyadarsini Govind et Élisabeth Petit ont aiguisé leur parti pris. L’héroïne est une femme qui attend son bien-aimé Shiva puis tempête lorsqu’elle découvre ses infidélités. Toute la gamme de la colère est au cœur du travail d’interprète de Priyadarsini Govind qui a décidé de passer au crible les nuances de la rage, le sarcasme, le dédain, la dérision, devant les efforts de son amant à se faire pardonner.
Mudras, à la fois stylisées et proches d’expressions d’aujourd’hui
Un éventail théâtral que le bharata natyam permet d’aborder en finesse et dont Priyadarsini Govind adore se jouer. Ses mouvements de prunelles, sa façon d’exorbiter les yeux, les mimiques de son visage et ses mudras (geste symbolique des mains), possèdent cette force d’être à la fois stylisés et proches d’expressions d’aujourd’hui. Parallèlement, pour le Tillana, autre séquence du récital, Priyadarsini Govind a demandé à la chanteuse Aruna S. de pouvoir intégrer deux chants méconnus du XIXe siècle dont elle a permis la redécouverte. Le couplet final évoque Krishna, la divinité la plus populaire du panthéon indien, séducteur et joueur de flûte dont la mélodie hypnotise et apaise.
La critique de Pariscope
( Laurent Adicéam-Dixit )
- Une escale : Bharata Natyam (traduction : Bharata : Inde / Natyam : Danse), un Art complexe du sud de L’Inde, d’un âge millénaire interprété et chorégraphié par la prodigieuse Priyadarsini Govind. Pour cette création parisienne, la chorégraphe Elisabeth Petit, lui apporte sa fructueuse collaboration. Un tableau tout en technique, et rigueur des gestes, géométriques et conformes. Ses parures enluminées et chatoyantes nous éblouissent pendant que ses yeux s'animent, que ses pieds martèlent le sol, faisant tintinnabuler ses grelots sur l’exécution de sons Jatiswaram, une alternance de jatis (syllabes rythmiques) et de swaras (notes de musique chantées) qui donnent la "danse pure". Le Bharata Nayam est voué aux cultes des dieux hindous comme Shiva, Parvatî, Vishnou, Ganesha… Il devient maintenant notre privilège. Alors pourquoi s’en priver quand Priyadarsini Govind nous danse la passion de Radha et de Krishna et que le public en redemande ?
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