PADMINI CHETTUR
La danse de Padmini Chettur puise dans la tradition indienne l'expression de sa modernité. Dans Pushed, la chorégraphe poursuit son voyage à travers l'Asie par une immersion dans la philosophie coréenne. De cette rencontre naît une gestuelle vibrante, un mouvement perpétuellement sous tension.
On se souvient encore, presque ému, de l'éclosion de ce talent, Padmini Chettur, venu de si loin, l'Inde. Ces 3 solos quasi autobiographiques, présentés aux Abbesses en mai 2003, révélaient une danseuse à la présence souveraine autant qu'une chorégraphe accomplie.
Padmini Chettur, formée au bhârata natyam, un style traditionnel indien extrêmement codifié, puis membre de la compagnie Chandralekha, pionnière d'une expression contemporaine du mouvement dans ce pays en profonde mutation, a confirmé depuis, avec Paperdoll, sa place à part dans le paysage chorégraphique actuel. Poursuivant son approche d'une modernité enrichie au contact de la tradition,
Padmini Chettur imaginait en 2006 Pushed (Poussé) créé en Corée. Elle s'empare des sept émotions de la philosophie coréenne — rancœur, douleur, plaisir, joie, chagrin, amour et envie –— pour décliner, sur scène, la palette de sa gestuelle aux variations subtiles. L'idée est alors d'accompagner la danse en musique, celle de Maarten Visser qui a composé sa partition à partir d'instruments anciens coréens.
Au final, Pushed, aux couleurs primaires, est un trait d'union entre ces deux cultures asiatiques. Padmini Chettur y joue le rôle de passeur en compagnie des 5 autres danseuses.
Quant au titre, évocateur, il reflète l'état d'esprit qui préside aux recherches artistiques de la jeune femme : « J'ai choisi Pushed parce que le corps est toujours tendu à l'extrême, que ce soit dans un moment de transition, dans l'amorce ou l'aboutissement d'un mouvement ».
Padmini Chettur donne, à sa façon, une belle définition de l'acte de danser.
La critique de Pariscope
( Laurent Adicéam-Dixit )
- Auriez-vous imaginé une danseuse classique indienne de Bharata Natyam se lancer dans un registre totalement hostile, provocant, aux antipodes de son essence mère ? Eh bien, c’est chose faite avec Padmini Chettur, élève de la chorégraphe iconoclaste Chandralekha.
Elle se défait vite de ses racines séculaires pour prôner un éclectisme d’avant-garde, déroutant tant sur la forme que sur le fond. Elle nous dresse un tableau où les gestes se côtoient et se cahotent pour donner « Pushed » : une poussée d’expressions saccadées, distordues, bestiales, des combinaisons à la fois gracieuses et disgracieuses. Un long voyage pesant illustré par cinq autres danseuses qui interprètent en mouvements les sept émotions de la philosophie coréenne, sur une musique traditionnelle et lancinante. Un « ballet » irréprochable par sa technique mais sans âme, sans émotions… Les corps parfois entrelacés, tendus, mécaniques et qui se font même violence nous surprennent et nous dérangent. Est-ce là la quête de Padmini ? En tous cas, cette expérience artistique, marginale, lui vaut d’être une originale voire une anarchiste de la danse.