UN COEUR AU SEMINAIRE DES BARBELES
LE SEMINAIRE DES BARBELES LE JOUR DU SEIGNEUR 27 SEPTEMBRE 2020 A 10H30 SUR FRANCE 2 |
DE SOLDATS D'HIER AUX PRETRES DE DEMAIN !
Ce dimanche 27 septembre, l’émission sera en direct dans une commune située dans l’Eure-et-Loir, Le Coudray , à son cœur, le Séminaire des Barbelés, un lieu de mémoire ! Dans cet ancien camp de prisonniers séminaristes allemands se profile, entre ses murs délabrés, un enjeu spirituel et politique de dénazification à la fois après la libération de Paris. Grâce à l’abbé Franz Stock, véritable figure de proue du Séminaire, nous retracerons son action qui vise surtout à une reconstruction franco-allemande vouée à la paix.
Pour nous éclairer sur ce chapitre historique, nous recevrons sur le plateau du Jour du Seigneur, Stéphane Chmelewsky, ancien ambassadeur et conseiller pour les affaires religieuses du ministère des Affaires étrangères et européennes, il est aussi le président de l’association des Amis de Franz Stock. A ses côtés, venue d'Allemagne, Margreth Dennemark, présidente Maison Franz Stock de son pays. Nous verrons à travers les reportages comment un tel lieu a contribué à une alliance de paix entre la France et l'Allemagne au lendemain de la guerre. D'une croix gammée nazie à une croix de foi catholique, que reste t-il de cet héritage aujourd'hui ?
A suivre sur @LaurentAdiceam
LE SEMINAIRE DES BARBELES
Origine / Identité du bâtiment : Ancien hangar industriel ayant abrité des prisonniers de guerre
Département / Ville : Eure-et-Loir / Le Coudray-28
Dates : 1945-1947
Propriétaire : l’association « les Amis de Franz Stock »
Qu’est-ce que le Séminaire des Barbelés ?
Un lieu de mémoire ! Parce que plusieurs éléments y concourent à faire de cet ancien camp un lieu d’Histoire, de souvenirs et également, un lieu de spiritualité.
A partir de 1940 le Cardinal Emmanuel Suhard, archevêque de Paris, a accompagné Franz Stock, figure chrétienne de cette empreinte historique, pendant toute la guerre et a soutenu sa nomination comme supérieur du Séminaire des barbelés à partir d’avril 1945 avec l’accord des autorités militaires françaises et des évêques allemands. Celui-ci se présentait aux détenus français des prisons allemandes en disant « Je suis un prêtre de l’évêque de Paris. »
Grâce à l’instigation du Nonce Apostolique Mgr Roncalli (le futur et saint Pape Jean XXIII), le séminaire accueillit plus de 950 prisonniers Allemands en tout dont des séminaristes en formation, et parmi eux, 630 deviendront des prêtres, 4 des évêques et 2 des pères abbés.
Son origine & son engagement :
Ces locaux militaires qui datent de la 1ère guerre mondiale ont resservi lors de la seconde, en particulier, pour les prisonniers allemands après la Libération.
Fondé en 1912, ce camp militaire reçut, de 1940 à 1944, 5000 prisonniers français « indigènes » (des troupes coloniales). Devenu un camp américain, il accueille 38500 prisonniers allemands de la Wehrmacht (armée du IIIe Reich) en septembre 1944, puis passe sous commandement français en juin 1945. C’est alors que fut ouvert à cet endroit un séminaire pour les prêtres allemands prisonniers ayant pour but de participer à la rénovation spirituelle de l’Allemagne.
Dans le bâtiment, long de 72 mètres, des châlits en bois et un poêle qui chauffait le dortoir surnommé « Palais des glaces » à cause du froid. Sur un pilier est rapportée la parole de Franz Stock par un résistant français emprisonné : « Aux yeux de Dieu, il n’y a ni Anglais, ni Français, ni Allemands, il n’y a que des chrétiens ou tout simplement des hommes. »
Et quand Paris est libéré par les Alliés, le 25 août 1944, l'abbé Stock se trouve à l'Hôpital de la Pitié où il apporte son aide au directeur ainsi qu’aux soldats allemands blessés intransportables. L’heure de la défaite a sonné, l’Abbé Stock vient d’accomplir son ministère auprès des prisonniers français et il ne peut laisser ses compatriotes dans le désarroi ; il se constitue donc prisonnier volontaire auprès des américains pour rester avec les siens.
Après avoir été emmené dans l'immense camp de prisonniers de Cherbourg, l’abbé est recherché et retrouvé par l'abbé Rodhain et l'abbé Le Meur de l'Aumônerie Générale à Paris. Les entretiens portent sur l'action pastorale pour les prisonniers et éventuellement sur un projet de créer un séminaire pour des étudiants en théologie qui y seront confinés. Le séminaire des barbelés ouvre d’abord à Orléans le 24 avril 1945 au camp des prisonniers dépôt 51, puis ensuite, faute de place, au Coudray/Chartres dans le camp dépôt 501. L’évêque de Chartres, Mgr Harscouët, le prit sous sa protection, et le commandant Gourut en fut le responsable militaire.
A savoir : C’est en 1943, en Algérie, qu’est née l’idée de « séminaire des barbelés ». Après la défaite du corps expéditionnaire allemand en Afrique du Nord, un monastère près d’Alger a ouvert ses portes aux séminaristes. Cette ouverture a été rendue possible grâce au Général Boisseau qui avait compris l’importance de redonner de la spiritualité après la guerre. Il pensait que c’était un puissant facteur de réconciliation. L’objectif était donc de former les prêtres de l’Allemagne future car « ces soldats d’hier, prêtres de demain rapporteront dans leur patrie un vrai potentiel de paix. » Après la libération de Paris, le Général Boisseau de retour en France partage cette expérience avec l’abbé Rodhain, délégué général au culte des prisonniers de guerre.
L’édifice :
Le bâtiment actuel encore traversé par les rails des projecteurs d’artillerie de 1917 abritait le dortoir, le réfectoire et la chapelle. C’est une grande halle en béton de 70 mètres sur 20 couverte d’une double voûte bétonnée retombant sur une rangée de doubles colonnes et sur des murs de briques renforcés de piliers de béton. Dans le dortoir de 420 châlits de trois étages, on peut encore voir des inscriptions laissées par les occupants du lieu, et qui étaient le reflet de leurs difficultés quotidiennes. Le réfectoire servait aussi de salle d’étude et de salle de réception pour les visiteurs de marque, parmi eux, on peut citer, l’évêque de Chartres, Raoul Harscouët ou le Nonce apostolique, Mgr Roncalli ainsi que le ministre de la défense en 1946, Edmond Michelet, ancien prisonnier de Fresnes.
La chapelle :
La chapelle qui est située dans l’angle nord-est du bâtiment fut le lieu privilégié du Séminaire. La peinture centrale est de la main de Franz Stock, elle est composée de quatre personnages sur fond bistre. Celles du mur oriental sont aussi de l’œuvre de Frantz Stock (il adorait peindre). Elles couvrent toute la largeur de l’ancienne chapelle (soit près de 50m2). La moitié inférieure était masquée par une estrade et un autel. Une croix en chêne, réalisée par des prisonniers était plaquée contre le mur. La fresque s’organise autour de cette croix, en une composition pyramidale évoquant la Passion du Christ. Les personnages représentés grandeur nature, sont cernés par un trait noir. Au centre, de part et d’autre de la Croix, on reconnaît la Vierge et Saint Jean. À gauche, Saint Michel archange (On pense que c’est son Saint préféré) qui transperce de sa lance la gueule d’un dragon, symbolisant la lutte commune de la France et de l’Allemagne contre le nazisme. À droite se tient Saint Boniface, patron de l’Allemagne, ce moine originaire du sud de l’Angleterre est le messager du Pape Grégoire II qui l’envoya évangéliser au 8ème siècle les peuples germains et saxons.
De part et d’autre de la croix, Sainte Marie et Saint Jean forment une piéta traditionnelle, cependant le plus jeune des apôtres est ici représenté barbu témoignant de son grand âge. C’est justement dans sa vieillesse que Jean sur l’île de Patmos où les romains l’aient déporté reçu la « Révélation » en grec : Apocalypse. Franz Stock attendait de ses Séminaristes, qui de retour sur le sol allemand, enlèvent le voile du nazisme qui cachait la vérité à leur peuple et fassent ainsi œuvre de révélation.
Sur le mur nord subsistent les quatre dernières stations d’un Chemin de Croix qui faisait le tour de la chapelle : ils sont l’œuvre de Lothar Zennetti, ancien séminariste du camp devenu prêtre et artiste de renom. Ces petites scènes, simplifiées à l’extrême, sont inscrites dans un carré d’une vingtaine de centimètres de coté : ainsi la crucifixion est réduite à la représentation du torse du Christ et à l’évocation d’un bras de la croix, créant par là une composition originale.
BIOGRAPHIE DE L’ABBE FRANZ STOCK
Originaire de Neheim, ville industrielle en Westphalie du Nord, Franz Stock, né le 21 septembre 1904, est l’aîné d’une famille de neuf enfants. Ayant formulé dès l’âge de 13 ans le vœu de devenir prêtre, il sera admis au lycée de Neheim et obtiendra son baccalauréat en 1926. Il étudiera la théologie à Paderborn et sera admis à l’Institut Catholique à Paris comme premier allemand à y étudier pendant trois semestres la théologie. Dès cette époque, Franz Stock s’engagera dans des mouvements de paix franco-allemands et perfectionnera ses connaissances du français, langue qu’il parlera sans accent.
Le 12 mars 1932, il est ordonné prêtre par l’archevêque de Paderborn. Ses excellentes connaissances de la langue française lui vaudront en 1934 d’être nommé recteur de la Mission catholique allemande de Paris. C’est à ce titre que Franz Stock, Tertiaire Franciscain, deviendra aumônier des prisons de Paris de 1941 à 1944.
« Franz Stock, ce n’est pas seulement un nom, c’est un programme. » dira de lui saint Jean XXIII. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, ce prêtre allemand de grande culture, passionné par Blaise Pascal et pas seulement puisqu’il étudie l’Encyclique du Pape Benoît XV « Pacem Dei munus pulcherrimum » (1920) et les œuvres de l’abbé Romano Guardini. Amoureux de la Bretagne, francophile et pacifiste, il se prédestine à sa cause. Au début de l’année 1941, dans un Paris occupé, il se met à visiter les prisons : Fresnes, La Santé et Le Cherche-Midi. De 1941 à 1944, on estime que près de 11 000 captifs seront retenus dans les prisons parisiennes. L’abbé Stock prend soin d’eux et leur apporte un réconfort spirituel. Il montre dans cette fonction éprouvante et délicate une intégrité morale et une compassion qui forcent l’admiration des détenus, croyants ou non, et de leurs familles.
Beaucoup l’appellent « l’aumônier de l’enfer » ou encore « L’Archange des prisons »/ « L’Archange de l’enfer ». Au péril de sa vie, il communique des messages ou des courriers de nombreux détenus à leurs familles. Son journal, où il consigne de brèves notes sur les prisonniers et les condamnés à mort, est un document bouleversant. Il accompagne jusqu’au bout des résistants célèbres, condamnés à être fusillés au Mont Valérien, comme Honoré d’Estienne d’Orves et Gabriel Péri, entre autres.
A savoir, dans les prisonniers de guerre/ résistants :
Gabriel Péri, journaliste, leader du pari communiste, opposé au nazisme, partageant le même idéal de paix que Franz Stock mais par des voies divergentes, entre en résistance. Il est arrêté à la mi-mai 1941 et condamné à trois ans de prison, il est désigné comme otage. Franz Stock demandera sa grâce qui fut refusée par la Gestapo. La veille de sa mort, il prie Franz Stock de remettre son alliance à son épouse. Il est mort fusillé le 15 décembre 1941, en chantant la Marseillaise et l’Internationale, proclamant « des lendemains qui chantent ».
Honoré d’Estienne d’Orves, officier de marine, rejoint Londres. Ensuite, il est envoyé en France pour y créer un réseau d’espionnage, l’équipe est trahie par son opérateur radio. A la prison du Cherche Midi, Honoré d’Estienne d’Orves et ses compagnons rencontrent souvent Franz Stock. Leur procès dure 14 jours. Pendant trois mois, les condamnés attendent la mort. D’Orves écrit beaucoup. Le soir du 28 août, c’est Franz Stock qui vient lui annoncer, ainsi qu’aux deux de ses compagnons, Barlier et Doornik, la triste nouvelle. Hitler, en personne, a refusé leur grâce. Honoré s’adresse au chef de peloton d’exécution « Vous êtes officier allemand, je suis officier français, pour vous montrer que nous mourrons sans haine, permettez-moi de vous embrasser ».
Ces deux hommes, Gabriel Péri et Honoré d’Estienne d’Orves, aimés et estimés par Franz Stock, Louis Aragon les a réunis dans un même hommage, dans son poème La Rose et le Réséda :
« Et leur sang ruisselle,
Même couleur, même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas »
-Le premier des condamnés qu'il a assistés fut Jacques Bonsergent, fusillé le 23 décembre 1940 à la place d'un ami qui avait bousculé par inadvertance un SS dans la rue.
-Honoré d'Estienne d'Orves, le capitaine de corvette qui rejoignit Londres en septembre 1940 sous le pseudonyme de « Châteauvieux ». « Il fut le premier officier français fusillé au mont Valérien, le 29 août 1941 », rapporte sa fille Rose de Beaufort.
-l'ancien ministre et résistant Edmond Michelet, emprisonné à Fresnes avant d'être déporté à Dachau, rapporte ainsi comment l'abbé glissait des nouvelles au milieu d'un Ave Maria récité en latin. Il n’a pas été exécuté et s’assurera que l’abbé Stock puisse avoir une sépulture au rang de son devoir, de son ministère.
Avant l'exécution de la sentence fatale, Franz Stock enregistrait les derniers messages, récupérait alliance ou souvenir précieux pour les remettre aux familles. C'est dans le secret du confessionnal de sa paroisse de la rue Lhomond, à Paris, qu'il procédait aux échanges avec les proches. L'abbé assurait le contact avec les familles des prisonniers astreints à la triple peine (pas de contact, pas de courrier ni de lecture, et encore moins de colis). Il prenait des risques considérables, se refusant à donner l’alerte lorsqu’un condamné assis en face de lui sauta du camion qui les amenait au Mont Valérien. L’abbé était présent avec eux jusqu’au poteau d’exécution.
A savoir : pourquoi lui ? Les prêtres français n’ayant pas le droit aux visites, seul l’abbé avait cette faveur mais sous l’œil de la police secrète d’Etat : la Gestapo. Franz Stock semait aussi le doute parmi les prisonniers pour être un éventuel espion au service de l’Allemagne alors qu’il a aussi aidé les juifs autant qu’il le pouvait, par toutes les manières.
Dans son journal, il écrit que le nombre des exécutions auxquelles il a assisté devait être « un nombre à quatre chiffres, et pas le plus petit » (entre 1300 et 1500).
A la libération de Paris en 1944, il est envoyé dans un camp de prisonniers de guerre allemands à Cherbourg. C’est là qu’on viendra le chercher pour devenir le recteur du Séminaire des Barbelés. Par conséquent, après la capitulation, il s'agit de mettre très vite sur pied un plan de dénazification de l'Allemagne. Il est décidé de créer dans l'ancien dépôt 501 de matériel militaire du Coudray, près de Chartres, transformé en camp de rétention par les nazis, un séminaire de « PGA », le sigle des Prisonniers de Guerre de l'Axe, qui sera rapidement dénommé « le séminaire des barbelés ». Le clergé apparaît comme un vecteur important. Tous les yeux se rivent alors sur Franz Stock, seul à être suffisamment français et allemand pour mener un plausible travail de réconciliation et former les prisonniers de guerre allemands et autrichiens. L'abbé va prendre en main les étudiants en théologie. Parmi les prêtres formateurs, un alsacien, son adjoint l’abbé Joseph Johner appelé comme officier de liaison formateur pour sa maîtrise de l’allemand (il est ensuite vicaire à Guebwiller, aumônier de l’école normale puis curé de la paroisse Saint-Paul à Colmar et enfin aumônier de la Clinique du Saint-Sauveur à Mulhouse).
Rappel : Dans les locaux odieusement insalubres du bloc n° 1 du camp du Coudray surnommé « palais des glaces » en raison du froid glacial qui y sévissait et des stalactites qui se formaient sous l'effet de la condensation, Franz Stock va épuiser ce qui lui reste d'énergie. De 1945 à 1947, jusqu'à la libération du camp, il formera 950 séminaristes, en partenariat avec l'université de Fribourg-en-Brisgau. Parmi eux, 630 deviendront prêtres et 4 évêques. C'est notamment en raison de la fresque murale peinte des mains de Franz Stock que le camp du Coudray échappa à la démolition. En 2005, le ministère de la défense a cédé pour un franc symbolique le bloc n° 1, bâtiment du séminaire, permettant ainsi au Centre européen de Rencontres Franz-Stock, encore en gestation, de l'acquérir.
L’association qui allait devenir les Amis de Franz Stockentreprit une mise hors eau du bâtiment et surtout une restauration de la partie chapelle avec les peintures murales de la main de Franz Stock. Ces travaux furent financés dans leur plus grande partie par des fonds du gouvernement fédéral allemand. Aujourd’hui les Amis de Franz Stock rassemblent des fonds pour créer une nouvelle muséographie dans ce lieu de mémoire qui accueille 6000 visiteurs par an.
Depuis la fermeture du séminaire en 1947, Franz Stock tente de redevenir l’aumônier de la communauté allemande en France, constituée désormais des quelques 25 000 prisonniers allemands.
Mais sa santé est très mauvaise, son cœur est gravement atteint et le 24 février 1948, il meurt à l’hôpital Cochin. Sa dépouille est ramenée à Chartres en 1963 ; sa tombe se trouve à l’église Saint-Jean-Baptiste de Rechèvres, au nord-ouest de Chartres.
Peu de temps avant la dissolution du séminaire, l’abbé Stock s’adresse aux séminaristes dans une allocution d’adieu. Un discours visionnaire et prophétique qui doit être lu et médité tant il ne concerne pas seulement des futurs prêtres mais également tout disciple du Christ.
Discours prononcé par l’abbé Franz Stock, directeur du Séminaire des Barbelés, à l’occasion du 2e anniversaire de sa création, le 26 avril 1947, quelques semaines avant sa fermeture définitive :
« Je voudrais maintenant m’adresser à vous, mes chers théologiens, et vous invite à considérer mon propos comme un programme.
Car vous savez aussi bien que moi que dans la crise actuelle des structures à laquelle l’homme d’occident est aujourd’hui confronté, le théologien et le jeune prêtre – à la différence d’autrefois – affronte sans détours et sans s’esquiver les questionnements de notre temps, l’esprit lucide et le cœur grand ouvert, il se trouve sur le devant de la scène, au cœur même des événements, révélant les dangers, guérissant les blessures, afin d’apporter salut et consolation à ceux qui cherchent et désespèrent.
Notre monde a changé et vous serez effrayés à la vue des bouleversements que cette guerre a provoqués dans les âmes et dans les esprits des hommes. La preuve devra alors être apportée que la protection et l’isolement du séminaire ne vous ont pas éloignés du monde, mais au contraire, vous ont formés de telle façon que l’élan et l’optimisme de votre jeunesse puissent résister aux assauts. C’est alors que nous pourrons vérifier si au fil des années écoulées nous avons pris les choses au sérieux et si c’était juste.
Quand un tremblement de terre ébranle une ville, les clochers s’écroulent en même temps que les monuments et les maisons. Quand une crise économique et sociale bouleverse le monde, les institutions et la vie de l’Église ne restent pas indemnes, car elle ne peut exister à l’écart de l’histoire générale.
Plus la crise est profonde, plus elle met sens dessus dessous les valeurs fondamentales de l’existence humaine, plus violente aussi est la secousse qui ébranle le corps de l’Église. Beaucoup de choses aujourd’hui sont sur le point de s’effondrer, d’éclater ; autour de nous, plus rien n’est stable, plus rien n’est sûr. Les convictions héritées du passé, telles des valeurs de bienheureuse mémoire, s’estompent, et les hypothèses les plus incongrues trouvent des adeptes.
Dans de telles circonstances, il serait surprenant que l’Église incarnée et humaine restât une oasis de calme en marge de la dissolution universelle. Ce qui en elle relève du divin et de l’éternel, reste immuable, mais l’homme, quant à lui, est emporté dans le tourbillon d’une danse endiablée à la manière de la sarabande espagnole.
La civilisation moderne, poussée toujours plus loin par le progrès technique, qui en l’espace de cent cinquante ans a bouleversé la vie sociale, évolue à une vitesse vertigineuse. Une nouvelle civilisation se fraye un chemin, se présentant dans un premier temps sous les traits d’une barbarie mécanisée. L’humanité, arrivée à la croisée des chemins, peut alors se tromper de direction et choisir la termitière humaine ou le suicide atomique, au lieu de s’orienter vers le progrès authentique, celui qui consiste à maîtriser par l’esprit les réalisations de la science et de la technique afin de les mettre au service de l’homme. Dans ce nouveau moyen âge, l’Église peut assumer le rôle qu’elle joua au seuil du grand moyen âge : en tant que messagère du surnaturel, elle peut sauver la nature ; mandataire de Dieu, elle peut libérer l’homme.
Notre civilisation est lassée de l’individualisme, elle se tourne vers des institutions communautaires. Mais elle les cherche là où elles ne peuvent s’épanouir : au sein d’un parti politique ou dans l’État. L’Église se doit de lui servir de modèle parfait d’une communauté, car précisément, elle fonde ses communautés terrestres sur la participation à la communauté suprême, celle du Corps mystique du Christ.
Notre époque parle toujours des masses humaines et nous savons bien que les masses humaines d’aujourd’hui sont plus éloignées du christianisme que ne le furent les païens des terres inexplorées. Le temps des grandes persécutions peut resurgir de nouveau où les chrétiens seront déclarés ennemis par excellence de l’humanité. Cette proximité du paganisme exige de nous de trouver de nouveaux moyens efficaces. La possibilité du martyre réclame de nous un retour aux sources, à l’esprit du temps où le sang des martyrs se mêlait quotidiennement au vin de l’Eucharistie. Face à une époque paganisée, l’Église redevient missionnaire. Mais vouloir être missionnaire, cela ne se traduit pas seulement par des méthodes, mais s’exprime par l’esprit qui doit guider tout le clergé et tout le peuple fidèle.
Tétanisés par l’existence de ces masses humaines, certains semblent devoir croire que l’idéal du chrétien des temps modernes consiste à s’effacer dans la masse comme une goutte de pluie se dissout dans l’océan. Mais même dans la masse humaine, le chrétien doit se faire remarquer, doit déranger, doit heurter, car c’est précisément par ce scandale qui choque que commence l’apostolat. Et ce christianisme doit être viril, un christianisme de présence affirmée, qui ne craint pas l’affrontement, qui réclame un engagement, un christianisme lumineux comme un phare pour éclairer les ténèbres, un christianisme d’acier pour un siècle de fer, un christianisme flamboyant pour notre temps de l’énergie nucléaire. Notre siècle est activiste, agité, il est érotique, confond le spirituel et le temporel. Notre siècle voit triompher les haines, il est anarchique, révolutionnaire, voit s’enchaîner les catastrophes, il entasse ruines sur ruines, dans les villes comme dans les âmes.
Notre siècle atomisé, divisé en nationalismes aussi ridicules qu’un costume de zouave suranné.
Ainsi, notre siècle a deux pôles, l’un nous pousse vers l’apostasie, l’autre vers la sainteté, l’un rejette l’Église, l’autre l’attire. Il importe, tout en étant enfant de notre siècle, de réconcilier Église et monde moderne.
Le nombre de saints voulus par Dieu suffit à sauver une époque. Des saints qui se vouent à cette vocation et qui transforment en vertus les agissements de notre temps.
Des saints qui renoncent aux amours humaines et qui savent à quoi ils renoncent, qui par le spectacle et l’exemple de leur vie poursuivent le chemin de l’ordre humain.
Des saints qui n’ont pas peur des catastrophes ni des révolutions, mais qui savent profiter de toute occasion et orientent tout leur être vers le second avènement du Sauveur.
Des saints qui réconcilient l’attachement à leur patrie charnelle et l’amour pour l’humanité, par delà les frontières des nations, des empires, des races et de classes.
C’est la Providence qui nous lance cet appel à la sainteté par la voix de l’histoire, et nous devons le suivre pour apporter au monde le message de liberté et de paix, de salut et d’amour.
Ce devrait être pour nous tous un legs sacré, en ce second anniversaire de notre séminaire, de recevoir en nous ce message de vie et de l’apporter à l’humanité souffrante.»
Conclusion : À l’époque, où l’homme est épris de libertés spirituelles, entre autres, cette expérience des séminaires est vue comme un des possibles pour réorienter l’Europe vers un Occident chrétien. Il y a l’espoir que la chute du nazisme permette à l’église allemande de redevenir un acteur de premier rang. Qu’en est-il maintenant ? Allemands contre Français ou Français contre Allemands ? La guerre est finie, l'Europe est née. Mais voilà, sous le joug de qui, allons-nous nous plier ? Revivre l’Histoire ? L’Avenir nous le dira, surtout si le gâchis humain n’a pas suffit à assouvir la soif et la quête de l’homme inexorable, comme le pouvoir !
Heureusement qu’il y a des hommes comme Franz Stock, des pères spirituels hors du commun, rayonnant de charité et de vie intérieure pour faire de ce monde, un monde meilleur. Son procès en béatification est en cours.
« A bas le nationalisme et dépassons les frontières ! » comme le voulait ce saint homme.
« Ce fut le plus grand séminaire du monde, et le plus méconnu. » Feu Hubert Briand, délégué de l'association Les Amis de Franz Stock
Grand mystique par ses visions du Christ, dit-on, l’abbé Franz Stock, nous livre son message d’espoir, à méditer.
« Je ne mérite pas vos louanges, car j’ai fait mon devoir sacerdotal, rien de plus ! Si j’ai pu soulager un peu le sort de quelques détenus pendant ces quatre ans, je n’y vois pas de raison de me vanter. Je suis encore prêt à aider ceux qui sont misérables et nécessiteux. C’est pour cela que j’ai accepté volontairement la captivité pour rendre service et pour travailler à la réalisation de la charité parmi les hommes… »
Voici une version courte de mon enquête, de ma présentation sur le Séminaire des Barbelés avec l'Abbé Franz Stock. Je remercie chaleureusement l'association les Amis de Franz Stock ici et notamment Isabelle Knosp.
Laurent Adicéam Dixit /@LaurentAdiceam